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Passeur de flamme

Je m’appelle Sofiane Ammar, je suis entrepreneur depuis plus de 20 ans. D’abord ingénieur de formation, j’ai été CTO, associé, co-créé et créé plusieurs entreprises dans les nouvelles tech, dont Softway, ISDnet, Altevia, B3G, Kleema et Virtualscale. J’investis dans des entreprises de la tech en tant que business angel, j’aime contribuer à la réussite d’entrepreneurs que j’admire.

D’habitude, j’écris sur les nouvelles technologies. Aujourd’hui, non sans appréhension, j’aimerais m’exprimer sur un tout autre sujet : comment aider les réfugiés. Personne ne reste insensible face aux drames des traversées des réfugiés, mais j’étais loin d’imaginer ce que la photo du petit Aylan provoquerait en moi. Je n’ai pas fermé l’œil cette nuit-là.



J’ai voulu comprendre par moi-même.

Quelle était la situation et quelles alternatives avaient ces 5 Millions de réfugiés syriens ? J’ai obtenu des informations qui m’ont aidé à prendre conscience de l’ampleur du sujet :


- Il y a 68,5M de réfugiés de guerres, déplacés et réfugiés climatiques dans le monde, dont 3M depuis l’année dernière (1). Cette situation ne risque pas de ralentir.


- Un réfugié reste 17 ans en moyenne (2) dans un camp ou dans le pays qui l’héberge. Le temps d’une génération.


Je suis alors entré en contact avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Cette organisation gère la majorité des demandes de réfugiés dans les pays récepteurs — Italie, Liban, Irak, Jordanie, Grèce, Turquie… L’UNHCR construit et opère la plupart des camps dans le monde. Mon interlocutrice, Cristina Davies, m’a proposé de visiter un camp de réfugiés.


Je me suis rendu dans un camp.


En Juillet 2016 je suis allé au camp Zaatari, à Amman en Jordanie. Le plus grand camp du Moyen-Orient. Ce camp borde la frontière syrienne. Un descriptif réaliste est fait dans cette vidéo de la BBC.


Sur place, j’ai rencontré des jeunes réfugiés syriens entre 16 et 25 ans. J’étais surpris tant ils débordaient de curiosité. Ils étaient avides d’histoires, de partage d’expériences, on a beaucoup parlé d’avenir et même d’idées de business ! La plupart d’entre eux ont un diplôme ou simplement en cours de cycle interrompu par la guerre. Il y avait de la passion et de l’émotion dans nos dialogues.


Ils m’ont rappelé mes débuts en tant qu’entrepreneur. Ce sont deux personnes d’exception qui m’ont donné l’espoir d’entreprendre. A 22 ans, j’ai croisé la route de Jean-Luc Nahon qui m’a pris sous son aile, puis à 52 ans Frédéric Chevalier m’a convaincu de rejoindre le projet qui m’implique actuellement, thecamp. Ces deux entrepreneurs ont éveillé en moi une flamme, un sentiment d’urgence à créer, doublé d’une puissante croyance en moi. Par conséquent, dans ces camps, je me suis naturellement dit que je pouvais à mon tour transmettre cette flamme à d’autres. Aider en France ou ailleurs ? Très peu de pays européens ou de pays riches du Moyen-Orient veulent accepter des réfugiés. L’Allemagne avec ses 1,5M et la Suède avec plus de 600.000 réfugiés sont bien seuls à avoir pris la décision d’accueillir. La France, en 2017, a accepté 43.000 réfugiés (3). Il est important de ne pas les confondre avec les migrants. J’ai moi-même été un migrant économique — je viens de Tunisie. Les migrants que la France accueille, ces 220 000 cartes de séjour renouvelées chaque année ne sont pas des réfugiés.


Encourager notre gouvernement à accueillir plus de réfugiés est nécessaire, mais en attendant qu’il se mobilise véritablement, à mon niveau, je peux aider à créer les conditions pour aider les réfugiés à réussir, là où ils sont.


Il faut investir dans une éducation ciblée. Dans la dernière Déclaration de New York pour les réfugiés du 19 septembre 2016, un des objectifs majeurs est d’enclencher des programmes d’éducation et d’employabilité pour les réfugiés en prenant en compte leur mobilité pour fin 2018. Dans les camps de réfugiés, il n’existe pas d’école pour la tranche d’âge que j’ai côtoyée lors de mon séjour à Zaatari.


On peut créer de l’entrepreneuriat pour les réfugiés : permettre aux adolescents, femmes et hommes, réfugiés dans les pays qui les accueillent, d’apprendre de nouvelles compétences. La difficulté de cette démarche est d’accompagner le changement à deux niveaux : que les locaux ne soient pas en concurrence avec les réfugiés; que les réfugiés devenus plus compétents puissent trouver un emploi ou créer des entreprises.

Il s’agit de créer un impact positif dans le pays, un cercle vertueux pour embarquer d’autres jeunes dans cette démarche. Attention, il ne s’agit pas de faire des réfugiés une main-d’œuvre non qualifiée sous-traitante de type Amazon Mechanical Turk.


Le pouvoir arrête le pouvoir” disait Montesquieu.


Le ban de Trump sur cinq pays a provoqué une réaction qui démontre je crois le pouvoir des entrepreneurs US quand ils veulent affronter l’état (4) (5) et (6). Les entreprises de Jeff Bezos ou de Sergueï Brin, véritables Etats dans l’Etat, ont en effet fait plier l’exécutif pour assurer l’entrée de codeurs et ingénieurs talentueux aux USA. Les entrepreneurs européens et notamment français devraient suivre cet exemple pour créer une communauté de codeurs réfugiés qualifiés.


Le code est un langage qui apporte de la valeur — monétaire et sociale — , peu lui importe les frontières. Michel Resnick, le cofondateur du langage Scratch (7) le dit bien : “Pour nous, le code n’est pas uniquement un enjeu d’expertises techniques, mais une nouvelle alphabétisation et un moyen d’expression personnelle, valable pour tout le monde, comme l’apprentissage de l’écriture.


Chams : enseigner l’entrepreneuriat par le code dans les camps de réfugiés.


Avec quelques collègues, des entrepreneurs et des amis, nous avons décidé de créer l’ONG Chams, une organisation entrepreneuriale européenne dédiée aux réfugiés, avec quatre actions :


Ouvrir plusieurs écoles de code et d’entrepreneuriat pour les réfugiés. Le HCR me confirme que la demande est énorme, dans le monde entier. Notre ambition, c’est d’en former 10.000 sur 5 ans.


Développer l’employabilité par des contrats à distance ou par la création de filiales locales. Ces contrats seront octroyés par des entreprises et des startups européennes.


Créer une crypto-monnaie pour les réfugiés, afin qu’ils puissent être payés en unités d’éducation et créer à leur tour des projets qu’ils pourront monétiser.


Organiser un ‘RefugeesFest’, inspiré de la Job fair for migrants and refugees à Berlin, pour aider à la rencontre avec les employeurs locaux.


Pour mener à bien la première action, Chams a noué des partenariats avec l’école 42 et Simplon, ainsi que des partenaires locaux institutionnels et privés à proximité des camps de réfugiés. L’école 42 et Simplon proposent des contenus pédagogiques innovants qui aident les personnes exclues de l’enseignement classique à acquérir une expertise informatique. Les méthodes sont basées sur du Peer learning et des mécanismes de gamification avancés, qui ont fait leurs preuves depuis plusieurs années, notamment en France. Ils seront nos partenaires pédagogiques. Il ne faut pas réinventer la roue car il y a URGENCE.


La priorité #1 de Chams est de permettre à des réfugiés du monde entier de bénéficier de compétences adaptées au marché de l’emploi international (hard skills). Les méthodes innovantes précitées favorisent également l’apprentissage du travail en “mode projet”, ainsi que le développement personnel et l’esprit d’entreprendre (soft skills).


Notre première école a ouvert ses portes le 29 octobre 2019.

A proximité du camp Zaatari, au sein de l’université Al Bayt, elle est intégralement financée par la Fondation de France, la Fondation Amdan et des amis entrepreneurs à mes côtés (Yohann, Benjamin, Julie, Patrick et Edgar se reconnaîtront). Elle intègre 15 étudiants locaux et 15 jeunes réfugiés, à parité femme-homme. Mêler les réfugiés aux étudiants locaux permet d’impliquer le pays d’accueil qui y voit bien son intérêt en termes d’apports pédagogiques nouveaux.



Signature de l’accord de partenariat tripartite Al Bayt University — UNHCR — Chams (de gauche à droite : Laura Buffoni du UNHCR, le président de l’université Dia-Eddin Arafa, Irene Omondi du UNHCR et moi-même)

Nous avons à ce jour deux autres écoles à construire et à financer et bien d’autres en demande. Le mouvement démarre!


Vous pouvez nous soutenir. Partagez cet article à toutes les personnes pouvant apporter un soutien à ces projets d’envergure. Je m’engage personnellement à gérer cette ONG de la même manière que j’ai accompagné la croissance de mes précédentes entreprises : avec ambition, rigueur et transparence. Suivez nos aventures sur nos différents réseaux: Linkedin , Instagram , Facebook , Twitter


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